Koen Straetmans est président de l’APB, le président de la Fédération Nationale des pharmaciens d'officine indépendants. On peut encore le croiser régulièrement derrière le comptoir de la pharmacie qu’il dirige avec son épouse. « De par mon expérience personnelle, je suis donc parfaitement au fait des nouvelles missions qui incombent aux pharmaciens depuis quelques années », déclare-t-il.
Prestataire de soins de santé à part entière
Cette évolution du pharmacien en un prestataire de soins de santé à part entière qui vient renforcer les soins de première ligne s’articule autour de trois axes principaux :
Soins pharmaceutiques : Le pharmacien fournit des conseils et des recommandations en matière de délivrance de médicaments. « Nous assumions déjà ce rôle, mais ces dernières années, nous avons dispensé des conseils et des recommandations bien plus pointus aux patients, souvent chroniques. De quelle façon doivent-ils prendre leurs médicaments ? Comment pouvons-nous stimuler le respect du traitement thérapeutique ? Le médicament correspond-il toujours aux besoins ? Les patients comprennent-ils pourquoi ils doivent prendre tel ou tel médicament et son importance ? En tant que pharmacien, nous avons une vue d’ensemble de la médication et sommes donc idéalement placés pour coopérer dans un cadre multidisciplinaire avec le médecin généraliste ou le spécialiste. Après tout, un médecin ne sait souvent pas ce qu’un autre médecin prescrit, ni quelle automédication le patient prend encore. Cette complémentarité est l’une de nos forces. » Prévention : Dans la politique de santé du gouvernement, la prévention reçoit toujours plus d’attention. Une situation au sein de laquelle le pharmacien a un rôle central à jouer car en tant que premier confident, il sait souvent ce qui se passe chez les gens, et peut donc dispenser les conseils nécessaires. Koen Straetmans : « Pendant la campagne de vaccination, le gouvernement nous a demandé de convaincre les gens de l’importance de se faire vacciner. En tant que prestataires de soins de santé facilement accessibles, nous touchons des groupes de population qui sont moins susceptibles de s’adresser à d’autres prestataires de soins de santé. Pour la vaccination, les pharmaciens sont donc fortement sollicités et le seront de plus en plus à l’avenir, comme c’est déjà le cas dans les pays qui nous entourent. »
Orientation et aiguillage : Les pharmaciens connaissent leurs clients et peuvent ainsi jouer un rôle dans la détection précoce des affections. Le diabète est typiquement l’une de ces maladies pour lesquelles les personnes diagnostiquées sont beaucoup moins nombreuses que celles qui sont réellement atteintes. En cas de soupçon, les pharmaciens peuvent procéder à un dépistage et orienter les patients vers les médecins généralistes.
Le pharmacien comme intermédiaire
« Au travers de ces nouveaux rôles, nous pouvons apporter un appui complémentaire aux autres prestataires de soins de santé. L’intention n’est certainement pas de remplacer le médecin généraliste », explique Koen. « Au contraire, les généralistes étant en sous-effectifs, ils sont très heureux que nous fassions office d’intermédiaires en testant les gens pour la Covid directement en pharmacie et en leur procurant les bons conseils. Une nouvelle vague arrive, nous sommes prêts à assumer à nouveau ce rôle de régulateur. En fait, nous souhaitons pouvoir fournir également le vaccin annuel contre la grippe, afin de soulager davantage les médecins de famille et de pouvoir toucher des publics supplémentaires. »
Il existe, selon lui, des possibilités additionnelles qui pourraient apporter un soutien à d’autres prestataires de la santé, mais celles-ci sont encore en cours de développement. « Je pense à un plus grand rôle consultatif concernant les médicaments des patients, dans lequel nous consulterions activement les médecins et les patients. Ou encore sur le plan de la prévention : contribuer à la lutte contre le problème sociétal de la consommation excessive de somnifères. Nous pouvons nous préparer à aider les patients à abandonner progressivement leur utilisation. »
Les pharmaciens sont de bons gestionnaires
En tant que pharmacien, vous n’êtes pas obligé d’assumer ces nouveaux rôles, précise-t-il. « Mais les pharmaciens sont de bons gestionnaires et parviennent souvent à tout concilier (rires). » Technologie et numérisation y contribuent largement par la prise en charge des tâches administratives et logistiques. « Prenez par exemple les robots qui préparent les commandes, ou la technologie qui permet d’accélérer les préparations. Les caisses automatiques et autres paiements électroniques font non seulement gagner du temps au pharmacien, mais sont également beaucoup plus hygiéniques que l’argent liquide. Grâce à la numérisation et à la technologie, les pharmaciens ont ainsi plus de temps à consacrer à leur rôle de prestataires de première ligne. »
En investissant dans la technologie, l’APB vise à renforcer davantage ses services. « La prescription électronique est très pratique et, depuis peu, les clients peuvent réserver leurs médicaments en ligne pour venir les retirer ensuite en pharmacie. Nous sommes également occupés à développer de nouveaux services sur notre site web pharmacie.be. Vous pouvez non seulement y trouver la pharmacie de garde, mais également celle qui propose les tests corona ou les vaccins dans votre quartier. Depuis peu, le site permet même de prendre rendez-vous avec votre pharmacien qui dispose du module adéquat, que ce soit pour un accompagnement ou pour réserver un test ou une vaccination. Un tel outil permet également aux pharmaciens d’atteindre un meilleur équilibre de travail. »
Certains pharmaciens investissent même dans un distributeur automatique installé directement dans leur commerce afin de pouvoir servir leurs clients jour et nuit. Un service supplémentaire pour ceux qui n’arrivent pas toujours à la pharmacie avant l’heure de fermeture. Un tel distributeur automatique n’offre naturellement pas de conseils personnalisés, il est donc important de bien réfléchir aux produits que vous y proposez, comme des produits disponibles sans ordonnance et qui ne présentent aucun risque pour la santé : aliments pour bébés, pansements, préservatifs…
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En ligne ou physique
Ces dernières années, les pharmacies en ligne gérées par de grands acteurs ont gagné du terrain. Leur essor exerce une pression sur les pharmacies physiques. Dans l’immédiat, Koen Straetmans ne craint cependant pas une grande concurrence pour la pharmacie physique de proximité : « Les pharmacies en ligne se concentrent principalement sur les produits non médicaux : vitamines, maquillage, produits de soins personnels... C’est pourquoi nous considérons ce marché en ligne plutôt comme un complément aux pharmacies physiques.
Cela nous incite donc à poursuivre l’amélioration du service prodigué en pharmacie physique car ce service personnalisé est la plus grande valeur ajoutée d’une officine réelle par rapport à une autre virtuelle. C’est pourquoi jusqu’à un demi-million de Belges continuent de venir quotidiennement en pharmacie.
Car lorsqu’il s’agit de récupérer des médicaments et d’obtenir des conseils, ils préfèrent se rendre chez leur pharmacien de famille qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance. »
La Belgique dispose également d’un réseau dense de pharmacies physiques : quelque 4 650 pharmacies et 12 000 pharmaciens. « Ce réseau à maillage serré est très apprécié par nos clients, notamment par ceux qui rencontrent des problèmes de mobilité. Maintenant qu’il y a moins de centres de vaccination, ces personnes peuvent toujours nous rendre une petite visite pour obtenir leur injection de rappel. »
La pénurie de personnel menace
La plupart de ces nouvelles tâches et nouveaux rôles sont assumés avec enthousiasme par les pharmaciens, car ils sont conscients de leur mission sociétale de promotion du bien-être et de la santé. Mais Koen Straetmans attire l’attention sur l’arrivée d’un nouveau défi pour le secteur : « Comme partout dans le monde, les personnes sur le terrain expliquent qu’il devient de plus en plus difficile de trouver du personnel spécialisé en soins de santé. Une pénurie de profils qualifiés pourrait devenir un risque à l’avenir. L’élargissement de nos attributions pourrait donc être un atout pour convaincre les jeunes de devenir pharmaciens. »
C’est un métier formidable, conclut Koen. « Tout le monde vient vers vous, précisément parce qu’en tant que pharmacien, vous êtes synonyme d’accessibilité et d’excellence du service personnalisé. C’est aussi un véritable défi, car il faut être capable de passer à la vitesse supérieure pour garantir à ses clients les meilleurs soins. Lors de la première vague de Covid-19, nous avons été confrontés à des pénuries d’équipements de protection : pas assez d’oxygène, de masques buccaux, de gel pour les mains, etc. Dès lors, en tant que pharmaciens et organisation professionnelle, il nous appartient d’apporter rapidement des solutions. Et nous l’avons fait, notamment en fabriquant notre propre gel pour les mains. Pendant la pandémie, les croix vertes sont toujours restées illuminées. »